Une infirmière libérale partage son avis sur la question des indus !

Suite à nos précédents articles, évoquant les indus et les infirmières libérales, Mme Albanois nous a contacté afin de nous faire connaitre son avis et ses remarques sur cette délicate question. Au cours de cet échange, Albus, le logiciel infirmier, a pu aborder bien d’autres thématiques et évoquer la profession d’infirmière libérale. Nous vous proposons de retrouver le principal de cet échange, et si à votre tour, vous souhaitez faire connaitre votre avis ou nous faire part d’un sujet, qui vous tient particulièrement à cœur, n’hésitez pas à nous contacter.

 

Bonjour Mme Albanois et merci de nous accorder un peu de votre temps. Pouvez-vous commencer par vous présenter ?  

Bonjour, je suis infirmière libérale depuis 28 années. Je suis présidente du Syndicat National des Infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL) au niveau de mon département, et suis très engagée tant au niveau de l’Ordre Infirmier qu’au niveau de l‘agence régionale de santé (ARS). C’est à ce titre, que je suis à l’écoute de mes consœurs et confrères et souvent sollicitée pour répondre à bien des demandes.

Concernant les indus, que pensez-vous de ces procédures, qui semblent se multiplier ces derniers temps ?

Seules les Caisses d’Assurance Maladie pourraient détailler les chiffres de ces procédures. A mon niveau, je ne peux que constater ces procédures. Au niveau de mon département, 12 dossiers sont en cours d’instruction et peuvent éventuellement être suivis de procédures en réclamation d’indus.. Cela peut apparaitre comme important mais il faut néanmoins relativiser et préciser que les procédures en réclamation d’indus restent marginales. 12 dossiers en cours d’instruction pour 280 infirmières et infirmiers libéraux environ installés dans le département. Il est aussi essentiel de préciser que la quasi-totalité des procédures concerne des erreurs et résulte le plus souvent d’une méconnaissance des règles En revanche, la fraude volontaire reste rarissime. On ne doit pas dire que cette dernière n’existe pas mais cela reste l’exception.

 

Comment expliquez-vous que les infirmières libérales commettent ces « erreurs », à l’origine de ces procédures ?

A mon avis, la principale raison de ces erreurs, commises de bonne foi par les infirmières libérales, est à rechercher dans le manque de formation et d’information. La Nomenclature générale des Actes Professionnels (NGAP) reste complexe dans son application. Les infirmières libérales, qu’elles soient expérimentées ou non, doivent s’informer et se renseigner pour ne pas commettre d’erreurs de facturation. Et cette recherche reste longue et très fastidieuse, expliquant en partie ces erreurs.

Au quotidien, les infirmières libérales, qui s’installent, vont demander conseil à des collègues plus expérimentées. Car les sources d’information disponibles sont souvent nébuleuses, et il ne faut pas oublier que certains actes sont sujets à controverse.   Je constate ainsi, que les IDEL(s) sont nombreux à appeler la Caisse d’Assurance Maladie, lorsqu’ils sont confrontés à un tel problème de cotation. Si la Caisse peut parfois, via son service médical, prendre du temps à répondre, elle pourra également conseiller à ces infirmières libérales de se rapprocher de leur syndicat ou même de l’Ordre. Mais ce n’est pas le rôle de la Caisse de renseigner les IDEL(s) et cette dernière renvoie alors les Infirmières libérales vers l’Ordre Infirmier ou vers leur syndicat.

Cela explique donc en partie ces indus. Un manque de formation au départ et de grandes difficultés à trouver les informations ensuite. Pour preuve de cette situation, je constate que parfois les infirmières libérales vont même sous-coter leurs actes pour ne pas commettre d’erreur. C’est bien la démonstration que la procédure en réclamation d’indus fait peur, et que les IDEL(s) font tout pour ne pas commettre d’erreur, quitte à sous-coter.

Si les indus sont dus à un manque de formation ou à une méconnaissance des Infirmières libérales, comment peut-on y remédier ?

La question est vaste et soulève bien d’autres problématiques. Je n’ai pas la réponse miracle, mais quand même, il faut souligner qu’une formation sur la cotation et la NGAP a été déclassée, en ne bénéficiant plus de l’agrément DPC. Avant le 1er avril 2016, les infirmières et infirmiers libéraux pouvaient prétendre à la prise en charge de cette formation, or ce n’est plus le cas. J’organise, au niveau de mon département et dans le cadre de mon activité syndicale, des réunions d’information sur le sujet. Force est de constater, que si toutes les infirmières libérales se félicitent de l’existence de ces réunions, très peu se déplacent le jour venu. Ces réunions sont effectuées à destination des infirmières libérales, qui viennent de s’installer. Par exemple, pour le second trimestre de 2017, nous avons enregistré une vingtaine d’installations pour seulement 3 inscriptions à la réunion. C’est trop peu, et forcément le manque de formation et d’information devient encore plus criant. J’ai demandé lors de la dernière réunion de la Commission Paritaire départementale (CPD), que ces réunions soient déclarées obligatoires. Mais je n’ai pas à ce jour obtenu gain de cause, et avec les modifications et les créations, la formation continue sur cette NGAP devrait également, à mon avis, être rendue obligatoire.

Pourquoi les jeunes infirmières libérales, conscientes de cette menace des procédures d’indus, ne participent-elles pas à ces réunions, d’après vous ?

Je ne peux pas répondre à leur place, mais le plus souvent, elles ont de bonnes raisons. Quand une infirmière libérale s’installe, elle doit avant tout se lancer et constituer sa patientèle. Je connais parfaitement les contraintes horaires des infirmières libérales, le stress de l’agenda (trop) chargé …Elles ont la « tête dans le guidon » comme on dit, et même si elles ont envie de participer à ces réunions, elles le notent quelque part puis oublient, rattrapés par la frénésie du quotidien. Des formations existent certes, mais il ne faut pas nier, que le cout de ces dernières peut aussi représenter un frein d’autant plus lorsque l’infirmière libérale vient de s’installer.

Un manque de temps et/ou de moyens expliqueraient donc cette situation, selon vous ?

Oui en partie, mais le problème est bien plus vaste. Prenez l’exemple du zonage concernant les infirmières et infirmiers libéraux. La définition des zones surdotées, intermédiaires ou sous-dotées est révisée tous les 3 ans (et non plus tous les 6 ans, comme cela était le cas auparavant). Tout est lié, car comme bien souvent les études de marché ne sont pas assez détaillées, les infirmières libérales, qui se lancent dans des zones intermédiaires par exemple (et rien ne dit que depuis le classement, la zone est passée en zone sur dotée), doivent alors consacrer toutes leur énergie à étoffer leur patientèle. Dans ces conditions, une formation sur la cotation et la NGAP n’est peut-être pas leur priorité du moment, même si elles savent parfaitement que ce type de formation leur serait utile et bénéfique. Tous ces éléments peuvent expliquer les erreurs commises et donc les procédures en réclamation d’indus. Il faut aussi préciser, que les Caisses d’Assurance Maladie disposent aujourd’hui d’outils performants pour détecter les anomalies. Il ne faut pas se concentrer sur ces procédures litigieuses mais considérer le phénomène par rapport à la globalité de la profession.

 

Merci Mme Albanois pour cet échange très instructif. Nous avons également échangé avec Mme Albanois sur la situation actuelle et sur l’avenir des infirmières libérales. Nous reviendrons sur l’évolution prévisible de ce métier, avec le développement notamment des maisons de santé. En attendant, nous vous invitons, vous-aussi, à partager votre expérience, vos doutes ou vos certitudes en nous écrivant.

 

Et vous, quel est votre jugement sur les procédures d’indus ? Le manque de formation et d’information est-il, selon votre expérience, responsable des erreurs commises par les infirmières libérales ?