C’est un sujet récurrent, qui revient régulièrement sur le devant de la scène. A quelques jours de la généralisation du tiers payant, la Ministre de la Santé a fait volte-face, en faisant droit aux demandes incessantes des médecins généralistes notamment, et sans tenir compte d’une écrasante majorité d’infirmières et d’infirmiers libéraux.

La généralisation du tiers-payant, une décision unique, des applications multiples

Depuis le 1er juillet 2016, les autorités publiques ont affirmé, à plusieurs reprises, la généralisation du Tiers Payant. On se souvient, que cette décision avait suscité de vives débats. En effet, les infirmières et infirmiers libéraux n’avaient pas attendu 2016 pour proposer à leurs patients de bénéficier de ce tiers payant. On se souvient également, que les médecins généralistes et spécialistes, affichaient une réticence pour ne pas dire une opposition à cette mesure. A l’époque, les infirmières libérales s’étaient même offusquées des mesures d’accompagnement proposées aux médecins, qui devaient disposer d’un Centre de Services Inter-Régimes (Cesi). Ce dernier devait faciliter le passage au tiers payant généralisé pour les médecins mais aussi traiter les réclamations, quel que soit le régime d’affiliation du patient. Les infirmières et infirmiers libéraux ne condamnaient pas l’accompagnement des médecins généralistes en lui-même, mais ils s’étonnaient qu’ils n’aient pas pu profiter d’une telle mesure, notamment en ce qui concerne la gestion des réclamations. Les infirmières libérales, mais aussi d’autres professionnels de santé, regrettaient ce favoritisme et ces mesures à double vitesse. Toujours est-il que l’obligation du tiers payant devait entrer en vigueur au 30 novembre 2017.

Les infirmières libérales, les oubliées des décisions du Ministère de la Santé ?

La généralisation du Tiers Payant, initiée donc par la loi Santé 2016, a été suspendue par la nouvelle Ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn. Mme la Ministre a expliqué cette suspension d’une décision, qui semblait pourtant entérinée : « Nous ne sommes pas prêts techniquement à l’étendre ». Pour éviter d’apparaître comme reculant devant les prétentions des syndicats de médecins généralistes, Mme Buzyn s’est empressée de préciser : « Nous tiendrons l’engagement du président de la République de rendre le tiers payant généralisable ».  Il sera donc possible de proposer le tiers-payant, comme ça l’était auparavant.

Pour donner plus de consistance à cette décision, la Ministre s’appuie sur le dernier rapport de l’Inspection générale des affaires Sociales (IGAS) : Evaluation de la généralisation du tiers payant. 23 Octobre 2017. Le rapport souligne le retard pris par trois professions principalement : les chirurgiens-dentistes, les médecins généralistes et spécialistes. Même si il existe bien des problèmes techniques notamment sur la part mutuelle de ce tiers payant, force est de constater que ces obstacles ne sont pas insurmontables puisque 75.5 % des infirmières et infirmiers libéraux le pratiquent déjà.

Tiers Payant non obligatoire au régime général (2ème trimestre 2017)

  TP Intégral

(AMO + AMC)

TP sur AMO uniquement Sans Tiers Payant
Dentistes 3.9 % 10.5 % 89.5 %
Médecins Généralistes 6.5 % 20.3 % 79.7 %
Infirmiers 75.5 % 92.4 % 7.6 %

Source : CNAMTS

En revanche, le rapport de l’Igas souligne, dans le même temps, que le frein à la généralisation du Tiers Payant sur la part obligatoire est à rechercher dans la « confiance encore trop fragile des professionnels de santé «. Avec plus de 9 infirmières libérales sur 10 pratiquant déjà cette mesure, on peut se demander si les IDEL(s) sont considérés comme des professionnels de santé ou si ils sont les champions de la confiance ?
C’est donc les médecins, qui ont eu gain de cause, même si les choses ne sont pas présentées de la sorte. Ils ont réussi à faire suspendre l’application de cette mesure en prétextant les problèmes techniques, le manque de confiance et donc les problèmes de paiement. Il n’est pas certain, que les 92.4 % d’infirmières libérales pratiquant déjà le tiers payant sur la part obligatoire n’aient pas, elles-aussi, des revendications à faire valoir. Avec cette marche arrière des pouvoirs publics, comment les professionnels de santé, et donc les infirmières libérales, vont être incitées à poursuivre dans cette voie ? N’est-ce pas l’effet inverse au but recherché, que l’on va constater dans les mois et les années à venir avec une démobilisation des acteurs concernés ?

Et vous, quel regard portez-vous sur ce changement d’orientation en ce qui concerne la généralisation du Tiers Payant ? Quels sont vos avis sur le tiers payant intégral et les difficultés, que cela représente, au quotidien ?