Alors que le débat public se consacre au thème de l’insécurité depuis quelques jours, les infirmières libérales sont elles-aussi concernées par ce phénomène inquiétant. Et pourtant, la mission d’intérêt général des infirmières libérales implique nécessairement de pouvoir travailler en toute sérénité ? Un paradoxe, que les pouvoirs publics doivent prendre rapidement en compte …

Infirmière libérale à Marseille, une profession à risques ?

Il y a quelques jours, une vidéo amateur a démontré le climat d’insécurité, régnant dans certains quartiers de la ville de Marseille. Cela pose aussi la question de la sécurité des professionnels, qui doivent y intervenir quotidiennement. On pense bien évidemment aux infirmières et infirmiers libéraux appelés au chevet des patientes et des patients, domiciliés dans ces « ghettos de la peur ».

Infirmière libérale dans les Bouches du Rhône, Jeanne a accepté de témoigner dans l’émission de radio des Grandes Gueules pour confirmer ce sentiment grandissant d’insécurité. L’infirmière libérale a même refusé de dévoiler son identité et l’adresse de son cabinet d’infirmières libérales par crainte d’éventuelles représailles, soulignant à quel point la situation est dangereuse et stressante.

« Lorsque l’on arrive dans ces quartiers, on a des gamins de 11-12 ans qui viennent devant la voiture et qui nous empêchent de passer. »  Et quand elle leur explique qu’elle est infirmière libérale et qu’elle vient pour soigner des patients, habitant dans ces mêmes quartiers, ces petits caïds lui répondent : « Pour passer, tu me donnes 50 euros. C’est le droit de passage quand on ne fait pas partie de leur monde. Dans notre cabinet, nous sommes deux infirmières libérales et un infirmier et nous avons décidé de ne plus y aller. »

La sécurité, une problématique pour les patients avant de devenir une angoisse pour les infirmières libérales

Il ne s’agit aucunement de pointer du doigt la ville de Marseille, car cette situation se retrouve dans bien d’autres agglomérations de métropole. En revanche, si cette insécurité grandissante est devenue un problème au quotidien pour les infirmières et infirmiers libéraux, c’est avant tout une entorse à l’égalité de soins, mise en avant par notre système de santé. Les habitants de ces quartiers difficiles ont besoin, comme le reste de la population, de soins au quotidien, et le recours à une infirmière libérale est une nécessité, dont certains ne peuvent pas se passer.

Les premières victimes de cette insécurité sont donc bien les patientes et les patients, qui peinent de plus en plus à trouver une infirmière libérale, acceptant de se déplacer. Si les infirmières libérales ne peuvent plus se déplacer dans certains quartiers, qu’adviendra-t-il de la grande ambition gouvernementale de développer l’hospitalisation à domicile ? N’est-ce pas alors condamner une partie de la population à devoir privilégier l’hôpital aux soins de ville, et donc instaurer un système de santé à deux vitesses ? Et pourtant, les infirmières et infirmiers libéraux ne peuvent pas à eux-seuls lutter contre ce phénomène.

L’insécurité, une exception devenue trop banale pour un grand nombre d’infirmières libérales

Mais ces situations extrêmes de ces banlieues marseillaises doivent aussi conduire à s’interroger sur l’insécurité plus quotidienne, plus banale. L’infirmière libérale reste le premier lien entre le patient et le monde médical et paramédical, et c’est elle qui est au contact au quotidien avec les patients. Une étude de l’Ordre National des Infirmiers (ONI) de 2013 soulignait qu’à l’époque, 81 % des infirmiers se déclaraient préoccupés par la violence dans l’exercice quotidien de leur métier.

Des agressions verbales ou physiques sont quotidiennement constatées. Même si elles ne sont pas, dans la majorité des cas, comparables à la situation des quartiers les plus chauds, elles participent activement à nourrir la peur, qui grandit chez un grand nombre d’infirmières et d’infirmiers libéraux. La question est d’autant plus problématique, que les autorités publiques ont affirmé vouloir renforcer le rôle des infirmières et infirmiers libéraux dans la prise en charge des patients. Cela suppose aussi de pouvoir travailler dans la sécurité et la sérénité, si on ne veut pas que le triste exemple de ces quartiers de Marseille se multiplie et se propage à d’autres villes de France.

Et vous, considérez-vous travailler dans un climat de sécurité ? Etes-vous confrontés à une certaine forme d’insécurité ? Comment réagissez-vous ?