L’approbation de l’avenant 6, signé le 29 mars dernier, a été publiée au journal officiel du 13 juin 2019. Désormais, les nombreuses évolutions sont connues et un calendrier est déjà établi.

Un avenant 6 attendu depuis longtemps par les infirmières et infirmiers libéraux

Toutes les infirmières et infirmiers libéraux se souviennent du véritable casse-tête que furent les négociations conventionnelles entre les autorités publiques et les organisations représentatives des infirmières et infirmiers libéraux. Après bien des rebondissements et la crainte de voir ces négociations purement et simplement abandonnées, l’Union des Caisses d’Assurance Maladie (Uncam), la Fédération nationale des Infirmiers (FNI) et le Syndicat National des Infirmières et des infirmiers libéraux (Sniil) ont signé cet avenant numéro 6 le 29 mars dernier.

L’édition du 13 juin dernier du Journal Officiel officialisait cette signature, et désormais, le calendrier de mise en œuvre des mesures décidées est connu en grande partie. Avec 34 articles, cet avenant reconnait le rôle grandissant des infirmières et infirmiers libéraux dans la coordination des soins et de la prévention, notamment en ce qui concerne les patients dépendants. Le texte renforce aussi l’engagement des IDEL(s) dans la téléconsultation, tout en s’attachant à une meilleure régulation démographique de ces professionnels de santé. Les autorités publiques ont déjà budgété le bénéfice des différentes mesures au profit des infirmières et infirmiers libéraux, un bénéfice estimé à 365 millions d’euros sur la période entre 2019 et 2023.

Il est essentiel de bien prendre en compte ces évolutions officialisées par l’entrée en vigueur de cet avenant. Pour vous aider à mieux les saisir, nous avons regroupé les principales mesures attendues dans les mois à venir en 5 rubriques bien distinctes.

1.   Une évolution des règles liées à l’installation des infirmières et infirmiers libéraux

Sans révolutionner le dispositif de conventionnement, destiné à mieux réguler la répartition des infirmières et infirmiers libéraux sur le territoire, l’avenant 6 modifie certains aspects des aides accessibles mais aussi des contraintes à respecter. La méthodologie même pour le zonage des territoires de métropole a ainsi été modifiée pour permettre un découpage en 5 zones :

  • Surdotée,
  • Très dotée,
  • Intermédiaire,
  • Sous-dotée,
  • Très sous-dotée.

Dans les zones surdotées, la régulation du conventionnement pour les infirmières est maintenue et même renforcée. Ainsi, lorsqu’une infirmière cessera son activité, la place vacante ne sera attribuée qu’au seul successeur de celle-ci ou disparaitra. En outre, l’infirmier ayant obtenu son conventionnement dans une zone surdotée aura 6 mois pour initier les démarches de son installation, sous peine de voir la décision annulée de plein droit.

Dans les zones très dotées et intermédiaires, un nouvel encadrement du conventionnement est mis en place, si ces zones sont situées en bordure de zone(s) surdotée(s). Dans ce cas précis, l’infirmière libérale, nouvellement installée, devra réaliser les 2/3 de son activité dans sa zone d’installation et non pas dans la zone surdotée.

1.1 Trois nouveaux contrats incitatifs pour les zones très sous-dotées

L’avenant 6 a décidé la création de trois nouveaux contrats incitatifs, qui viendront remplacer les dispositifs déjà existants à ce jour. Il s’agit :

  • Contrat d’aide à la première installation : 37.500 € sur une période de 5 ans, contrat non renouvelable
  • Contrat d’aide à l’installation : 27.500 € sur une période de 5 ans, contrat non renouvelable
  • Contrat d’aide au maintien : 3.000 € sur 3 ans, contrat renouvelable

Les infirmières et infirmiers libéraux, signataires de ces nouveaux contrats, pourront percevoir une aide supplémentaire de 150 € par mois, s’ils accueillent un étudiant(e) infirmier(e) au cours des stages de fin d’études.

2.   Un nouveau forfait structure pour rendre les aides à la modernisation et à l’informatisation plus compréhensibles

L’article 22 de l’avenant crée un « forfait d’aide à la modernisation et informatisation » , qui repose sur la refonte des aides versées jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, ce forfait remplace l’aide à la télétransmission, l’aide SCOR ou encore l’aide à la maintenance. Le versement de ce forfait est acté dès lors que l’infirmière libérale respecte tous les engagements définis par les textes à savoir :

  • L’utilisation d’un logiciel DMP compatible
  • L’utilisation de la solution SCOR
  • La justification d’un taux de télétransmission d’actes sécurisée égal ou supérieur à 70 %
  • L’utilisation d’une messagerie sécurisée
  • Un logiciel de facturation SESAM-Vitale à jour

Le montant de l’aide est de 490 € et ne peut pas être fractionné. Ou alors l’infirmière libérale respecte toutes les conditions, et elle perçoit ce forfait d’aide à la modernisation et informatisation, ou elle ne les respecte pas toutes et ne perçoit rien. La mesure s’appliquera à compter de 2021 au vu de l’activité de 2020. La prime est versée annuellement avant le 30 avril de l’année suivante. A partir de 2022, un nouvel engagement devra être respecté, puisque les signataires de l’avenant se sont accordés pour que l’implication du professionnel de santé dans la prise en charge coordonnée soit inscrite dans le socle de ce forfait.

Il est à noter, que le bénéfice de ce forfait peut permettre à l’infirmièr(e) de bénéficier d’autres aides, dont le détail vous est donné ci-dessous.

2.1 Un bonus pour l’implication dans la prise en charge coordonné des patients

Un bonus de 100 € peut être accordé à l’infirmière, impliquée dans la prise en charge coordonnée des patients. Cette implication peut résulter de la participation de l’infirmière à une équipe de soins primaires, une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), une Communauté Professionnelle Territoriale de santé (CPTS) ou toute autre forme d’organisation permettant d’assurer une prise en charge coordonnée. Le premier paiement de ce bonus s’effectuera, comme pour le forfait auquel il est rattaché, en 2021 pour le compte de l’année 2020. A noter, que cette implication fera partie à partir de 2022 des conditions nécessaires au versement du forfait d’aide à la modernisation et informatisation.

2.2 Une aide pour les infirmières et infirmiers impliqués dans la téléconsultation

Une aide forfaitaire à l’équipement pourra être allouée aux infirmières et infirmiers libéraux investis dans le déploiement de la télémédecine. Cette aide se décompose ainsi :

  • 350 € pour l’équipement de vidéotransmission (sont compris les abonnements aux solutions techniques pour recourir aux actes de télémédecine)
  • 175 € pour l’équipement en appareils médicaux connectés (La liste de ces appareils, ouvrant droit à l’aide, sera officialisée avant la fin de cette année 2019).

Cette aide forfaitaire à l’équipement pour le déploiement de la télémédecine pourra être versée à l’infirmier(e) même si les indicateurs socles du forfait à la modernisation ne sont pas atteints. Il en sera de même pour l’aide accordée aux infirmiers engagés dans le déploiement du DMP.

2.3 Contribution annuelle à l’ouverture de DMP

Chaque infirmière ou chaque infirmier, identifié(e) par sa CPS, percevra 1 € pour chaque ouverture de dossier médical partagé (DMP). Cette contribution commencera à être versée en 2021 au titre de l’année 2020.

3.   Une meilleure reconnaissance du rôle de l’infirmière libérale face aux patients dépendants

Si ces aides structurelles et cet encadrement de la régulation démographique répondent à des demandes récurrentes de la profession, il en est de même pour les mesures liées aux soins des patients dépendants, notamment avec la généralisation du bilan de soins Infirmiers.

3.1 Le Bilan de Soins Infirmiers (BSI) appelé à se généraliser

L’avenant 6 officialise le remplacement de la Démarche de Soins Infirmier (DSI) par le Bilan de Soins Infirmiers (BSI) pour les patients dépendants, expérimenté localement depuis 2017. Ce remplacement sera progressif, et chaque étape devra faire l’objet d’une décision des partenaires conventionnels au vu des résultats des précédentes étapes. La durée du BSI est d’un an (3 mois pour l’ancienne DSI) sauf modification de l’état du patient. Le déversement du BSI dans le DMP n’a pas à ce jour été décidé, et la saisie du BSI se fera exclusivement sur Ameli Pro pour le moment, nécessitant de posséder sa CPS. Il est précisé, que les médecins seront informés de ce nouveau dispositif, et qu’ils n’auront plus de formulaire spécifique à remplir mais juste à prescrire le BSI.

Le BSI sera valorisé à DI 2.5 pour le 1er (contre 1.5 pour l’actuelle DSI soit une hausse de 67 %) et à DI 1.2 pour les suivants (contre DI 1 pour la DSI soit une augmentation de 20 %). Ce dispositif entrera en vigueur par étapes, selon les modalités ci-dessous :

  • A partir du 1er janvier 2020 pour les patients âgés de 90 ans et plus,
  • A partir du 1er janvier 2021 pour les patients âgés de 85 ans et plus,
  • A partir du 1er janvier 2022 pour les patients âgés de 78 ans et plus,
  • A partir du 1er janvier 2023 pour tous les patients dépendants.

3.1.1 Les frais de déplacement dans le cadre du forfait journalier BSI

Dans son article 5.7 consacré à la prise en charge des patients dépendants avec les forfaits journaliers BSI, l’avenant décide que « Les frais de déplacement resteraient facturables à chaque passage de l’infirmier au domicile du patient ainsi que les éventuelles majorations applicables dans les conditions définies à la nomenclature générale des actes professionnels. ». Un nouveau code acte « IFI » a donc été créé avec la même valeur que l’IFA, soit 2.50 € à ce jour.

3.2 Des forfaits journaliers pour la prise en charge des patients dépendants

3 forfaits journaliers ont été ajoutés à la NGAP pour les patients dépendants, dès lors qu’un BSI est établi. La définition du forfait à facturer est faite par le télé-service BSI d’Ameli Pro, en fonction de la charge de soins nécessité par le patient et donc par rapport au contenu du BSI.

  • Forfait journalier BSA pour patient léger : 13 € équivalent à AIS 4.90
  • Forfait journalier BSB pour patient intermédiaire : 18.20 € équivalent à AIS 6.87
  • Forfait journalier BSC pour patient lourd : 28.70 € équivalent à AIS 10.83

L’application de ces nouveaux forfaits se fera dès le 1er janvier 2020.

3.3 Une prise en charge de la dépendance pensée par rapport à la charge en soins et non plus en temps

Certains actes techniques, dits « actes externalisés » pourront être facturés en plus des AIS ou du forfait journalier lié au BSI. Ils seront codés AMX pour bien les différencier. Certains actes déjà autorisés à taux plein seront codés AMX à partir du 1er décembre 2019 :

  • Les perfusions (AMX 4.1, AMX 9, AMX 10, AMX 14, AMX 15, …)
  • Les pansements lourds et complexes (AMX 4)
  • La séance à domicile de surveillance clinique pour un patient atteint de BPCO (AMX 5.8)

A cette date, l’acte de prélèvement sanguin (AMX 1,5) sera lui aussi autorisé. A partir du 1er mai 2020, et dans le cadre de l’application de l’article 11B de la NGAP, d’autres actes pourront être facturés en plus des AIS ou du bilan journalier lié au BSI :

  • L’injection intramusculaire, intradermeuse et injection sous-cutanée
  • Surveillance et observation d’un patient diabétique insulino-traité

4.   La revalorisation du rôle des infirmières libérales au quotidien

Outre les soins prodigués aux patients dépendants, l’avenant 6 crée de nouveaux actes et en revalorise d’autres, pour conforter cette ambition de reconnaitre la place essentielle de l’infirmière libérale dans le parcours de soins des patients.

4.1 Des séances d’accompagnement pour la prise médicamenteuse à domicile

Le médecin traitant pourra prescrire, à partir du 1er janvier 2022, 3 séances d’accompagnement pour la prise médicamenteuse pour les patients non dépendants. La prescription concerne les patients non dépendants, et est établie lors de la mise en œuvre ou de la modification d’un traitement. La première séance sera côté AMI 5,1 et les deux suivantes AMI 4,6.

4.2 Administration et surveillance d’une thérapeutique orale au domicile

Dès le 1er décembre 2019, le libellé de l’acte sera modifié, afin d’être élargi aux patients atteints de troubles cognitifs. La revalorisation de l’acte à AMI 1,2 est programmé à partir du 1er juillet 2020.

4.3 La création de nouveaux actes pour les soins postopératoires

De nouveaux actes de soins postopératoires sont créés à la NGAP à partir du 1er janvier 2021 :

  • Séance de surveillance du cathéter péri nerveux (AMI 4,2)
  • Séance de surveillance clinique et d’accompagnement post-opératoire à domicile (AMI 3,9)
  • Changement de flacon de redon ou retrait post-opératoire de drain (AMI 2,8)
  • Retrait de sonde urinaire (AMI 2)

4.4 Les évolutions pour les actes liés aux pansements courants, lourds et complexes

Pour les pansements courants, une revalorisation à AMI 3 a été programmé à partir du 1er janvier 2020 :

  • Pansement de stomie (soit une hausse de 50 %)
  • Pansement de trachéotomie (soit une hausse de 33 %)
  • Pansement lié à l’abdominoplastie, la chirurgie mammaire, au stripping veineux (soit une hausse de 50 %).

A cette même date (1/01/2020), certains libellés des actes seront mis à jour. Il est aussi créé 3 actes :

  1. Le bilan initial de prise en charge de plaie par épisode de cicatrisation nécessitant un pansement lourd et complexe (AMI 11) sera créé au 1er janvier 2020
  2. L’analgésie topique (AMI 1,1) sera créée au 1er juillet 2020
  3. Le pansement avec compression (AMI 5,1) sera créé au 1er juillet 2020

4.5 La prise en charge des enfants de moins de 7 ans prise en compte

A compter du 1er janvier 2020, il est créé une Majoration Infirmier Enfant (MIE) d’un montant de 3.15 € par passage. Elle sera cumulable avec les autres majorations applicables en fonction des soins prodigués.

4.6 Extension de la majoration pour acte unique

A partir du 1er décembre 2019, la majoration pour acte unique (MAU) sera applicable aux actes AMI, dont le coefficient est inférieur ou égal à 1.5.

4.7 La téléconsultation, création de 3 actes à la NGAP pour les infirmières libérales

Le médecin peut demander, dans le cadre d’une téléconsultation, la présence d’une infirmière auprès du patient. 3 actes sont donc créés à la NGAP pour valoriser l’intervention de l’infirmière libérale :

  • Si l’acte est réalisé au cour d’un soin infirmier déjà prévu, Acte TLS de 10 €
  • Acte réalisé dans un lieu spécialement dédié aux téléconsultations, Acte TLL de 12 €
  • Acte organisé à domicile de manière spécifique, Acte TLD de 15 €

Attention, pour la facturation, il faudra bien indiquer le nom du médecin, ayant réalisé la téléconsultation. Ces 3 nouveaux actes seront en vigueur au 1er janvier 2020.

5.   Un système de plafonnement des indemnités kilométriques

A partir du 1er janvier 2020, un dispositif de plafonnement sera instauré pour le plafonnement des indemnités kilométriques des infirmières et infirmiers libéraux. Cette mise en œuvre ne modifie pas la possibilité de continuer à appliquer la facturation en étoiles, ni même les règles de calcul pour la facturation de ces indemnités (soustraction du seuil). La règle est ainsi définie :

  • Les indemnités kilométriques facturées à compter du 300ème kilomètre seront remboursées à 50 %
  • Les indemnités kilométriques facturées à compter du 400ème kilomètre ne seront plus remboursées.

Voilà donc les principales mesures, qui entreront en vigueur entre le 1er décembre prochain et 2023. Pour vous en simplifier la lisibilité et la compréhension, nous avons synthétisé ces évolutions dans un document, que nous vous invitons à télécharger aujourd’hui.

 

Et vous, quelles sont vos impressions sur les avancées permises par la signature de cet avenant 6 ? Sur quel(s) aspect(s), estimez-vous que ces mesures ne vont pas assez loin ?