Dans les discours, tout est fait pour accompagner les infirmières libérales à rejoindre l’exercice coordonné en leur « facilitant » le quotidien. Pourtant dans la réalité du quotidien, ces mêmes professionnelles peuvent se sentir menacées au vu de certaines décisions.

 

L’infirmière libérale isolée, une professionnelle de santé en voie de disparition ?

 

« Je veux que l’exercice isolé devienne progressivement marginal, qu’il devienne l’aberration et qu’il puisse disparaître à l’horizon 2022. »

 

C’est ainsi, qu’en septembre 2018, le président de la République décrivait l’avenir du Système de santé publique en France. Depuis, la crise sanitaire du coronavirus a quelque peu changé la donne, même si la coordination entre tous les professionnels de santé reste l’objectif à atteindre. Il n’est pas sûr, que dans quelques mois, en 2022, une infirmière libérale ne puisse plus s’installer seule pour répondre aux besoins d’une patientèle. En revanche, le Ministère de la Santé s’efforce – et ces efforts ne sont pas amoindris depuis l’apparition du coronavirus – de rendre cette promesse plus concrète et plus attirante pour les patients d’une part mais aussi pour les professionnels de santé d’autre part.

Aujourd’hui, les libéraux de santé peuvent rejoindre ce mouvement du rapprochement et de la coordination à travers trois voies distinctes :

  • Les communautés professionnelles territoriales de Santé (CPTS),
  • Les équipes de soins,
  • Les pôles et maisons de Santé,

 

Les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP) constituent une des voies les plus plébiscitées, puisqu’on en dénombrait 1617 au début de cette année 2021.

 

Vers un nouvel ACI MSP pour attirer infirmières libérales et médecins ?

 

Un premier accord cadre interprofessionnel (ACI) avait été signé le 20 avril 2017, principalement pour soutenir le développement et l’essor de ces MSP. Aujourd’hui, près de 3 maisons de santé sur 4 sont signataires de cet ACI MSP (1168 exactement en début 2021), qui représente une source de financement et de rémunération à condition d’avoir contractualisé un protocole.

Un nouvel ACI MSP est actuellement en cours d’élaboration, et les discussions se sont ouvertes depuis le 28 janvier dernier entre l’Assurance Maladie d’une part et les associations représentant les professionnels de santé d’autre part. Bien que chaque ordre, chaque profession, porte des revendications spécifiques, l’objectif de ces discussions se concentre autour de 3 thématiques bien définies :

  • Améliorer la prise en charge des soins non programmés,
  • Organiser l’intégration des assistants médicaux et des infirmières en pratiques avancées (IPA) dans les MSP. Pour les IPA, la question du statut n’est pas encore tranchée, certains préférant celui d’infirmière libérale, quand d’autres revendiquent le statut de salariée.
  • Inciter les maisons de santé à participer à la lutte contre les crises sanitaires graves. Cette problématique est apparue depuis l’épidémie de coronavirus, qui a permis de mettre en évidence des axes de progrès en la matière.

 

Des ambitions au quotidien, une réalité contrastée pour les infirmières libérales

 

Bien que ce sujet de l’exercice coordonné soit au cœur de toutes les négociations avec les infirmières libérales et plus généralement les professionnels libéraux de santé, la réalité du terrain contraste souvent avec cette image de « faciliter le travail des soignants », cultivé par les autorités publiques. C’est ce que confirme la situation des infirmières et infirmiers libéraux d’Arras. Puisque la région est classée par l’ARS en zone sur-dotée, aucune infirmière libérale ne peut s’y installer sans qu’une consœur ou confrère cède sa place. Une infirmière libérale installée à Beaurains, Mme Émilie Lance, expliquait même aux journalistes de la Voix du Nord, qu’elle n’avait pas l’autorisation d’intégrer une collaboratrice dans son cabinet : « Moi, ce n’était même pas une création de patientèle, le travail est déjà là. Je suis toute seule, alors qu’il y a du boulot pour deux, voire pour trois.. »

Et pourtant, les infirmiers libéraux d’Arras ont néanmoins vu s’ouvrir dans le sud de l’agglomération un centre d’infirmiers libéraux. Pas moins de 5 infirmiers ont été recrutés par ce centre sous le statut d’infirmiers salariés. Les règles d’installation ne sont pas les mêmes, et les infirmières salariées ne sont pas soumises à cette interdiction d’exercice dans des zones surdotées. Toujours est-il que les IDEL(s) de la région dénoncent une « concurrence déloyale », une menace pour la survie de leur cabinet et appellent le Ministère de la Santé à réagir, avant que cela ne se reproduise sur d’autres territoires.

On est alors très loin des incitations à s’engager dans l’exercice coordonnée, à moins que ce dernier ne signifie d’abandonner le statut libéral …..

Et vous, estimez-vous que l’exercice libéral est en danger face à de telles pratiques ? Comment comprenez-vous ce grand écart entre la réalité du terrain et ces promesses de faciliter le quotidien des infirmières libérales ?