Présenté comme le point d’orgue de la stratégie française en matière de numérisation de la santé, le lancement de « Mon espace Santé » sera effectif à partir du 1er janvier 2022. Tous les patients disposeront alors d’un véritable espace sécurisé et partagé pour optimiser leur parcours de soins. Pensé pour le patient, le dispositif n’est cependant pas sans conséquences pour les professionnels de santé, et les infirmières et infirmiers libéraux doivent se préparer, dès aujourd’hui, à cette rupture dans l’organisation de la Santé publique en France.

 

« Mon Espace Santé », une ambition pour faire de la France un leader du numérique en santé

Depuis 2018, date à laquelle un rapport a été remis au gouvernement sur le thème du numérique en Santé, les autorités publiques redoublent d’efforts pour faire de la France le leader du numérique en santé. La feuille de route, adopté en 2019, atteste de ce volontarisme et de cette ambition. L’ambition n’est pas nouvelle, mais aujourd’hui, le programme est clairement défini avec la mobilisation de tous les acteurs, à commencer par les patients eux-mêmes et les professionnels de santé. A compter du 1er janvier 2022, « Mon Espace Santé » deviendra pour tous les citoyens un espace sécurisé pour qu’ils puissent devenir acteur de leur propre santé.

Testé à partir de cet été 2021 dans 3 départements (Loire-Atlantique, Haute-Garonne, Somme), Mon espace de santé s’articulera autour de 4 grands thèmes, pour commencer :

  • Le Dossier Médical de Santé (DMP), regroupant toutes les informations enregistrées par les infirmières libérales, médecins, établissements de santé mais aussi par les patients eux-mêmes,
  • Un agenda médical, recensant tous les rendez-vous entre le patient et les professionnels de santé,
  • Une messagerie sécurisée de santé, permettant à chacun de pouvoir échanger avec son médecin traitant, son infirmier libéral, son kiné, …..
  • Un catalogue d’applications, compatibles avec les référentiels existants et à venir et apportant une véritable valeur ajoutée dans le parcours de soins.

Réaffirmée avec force pendant le Ségur de la Santé à l’été dernier (avec un financement de plus de 2 milliards d’euros), cette ambition de consacrer le numérique en santé se traduit et se traduira par bien d’autres actions. Le déploiement de la e-CPS pour les infirmières libérales comme pour tous les soignants en général sera renforcé et accéléré (en avril 2021, on recensait déjà près de 163.000 e-CPS). A partir de 2022, l’application Carte Vitale permettra aussi de dématérialiser cette carte de santé des Françaises et Français, notamment en ce qui concerne l’accès sécurisé à Mon Espace Santé. Testée depuis juillet 2019, la e-Prescription sera elle-aussi généralisée à l’ensemble des professionnels de santé et à l’ensemble du territoire. Enfin, l’explosion de la télémédecine et de la téléconsultation continuera à être accompagnée et renforcée. Initiée avant la crise du Covid-19, cette stratégie ambitieuse s’est ainsi vu conforter par cette crise sanitaire mondiale. A titre d’exemple, de 400.000 téléconsultations annuelles avant crise, la France a enregistré jusqu’à un million de téléconsultations par semaine depuis.

Un changement de paradigme dans l’organisation du système de santé en France

La feuille de route du numérique en santé repose avant tout sur la mobilisation de tous les acteurs. Si elle doit permettre de garantir la confiance des usagers / patients, mais aussi faciliter le quotidien des professionnels de santé. Pourtant, les IDEL(s) comme tous les acteurs de la santé en France savent que ce projet n’est pas le premier en matière de numérisation du système de santé. Le Dossier Médical Partagé n’est ainsi pas une création de cette stratégie. Ce DMP a connu bien des revers (aujourd’hui on recense environ 10 millions de DMP). Le patient ne se l’était pas approprié et la création d’un DMP était chronophage pour les professionnels, et l’incitation financière insuffisante pour pallier ce manque d’intérêt.

Aujourd’hui, les autorités publiques veulent se donner les moyens de réussir en ayant fait adopter (Loi OTSS de juillet 2019) le principe de l’ »Opt Out ». A partir de janvier 2022, tous les français seront avertis de la création de « Mon espace Santé » et donc du DMP. Ils auront alors un mois et 10 jours pour s’y opposer. En l’absence d’opposition de leur part, leur espace de santé sera automatiquement créé. En avril 2022, toute la population française sera donc bien concernée par cet espace numérique, rendant son utilisation plus utile et bénéfique par tous.

Mon Espace Santé

Ce qu’il faut retenir

Espace de santé individuel, créé pour chaque patient à partir de janvier 2022 (sauf opposition expresse)

Espace de santé articulé autour de 4 blocs (qui pourront être complétés dans l’avenir)

  • Dossier Médical Partagé
  • Agenda Médical
  • Messagerie sécurisée de santé ouverte aux patients
  • Catalogue d’applications

En revanche, lors de sa création automatique, le DMP sera vide (comme aujourd’hui), nécessitant que les professionnels de santé mais aussi les patients le complètent, le renseignent. Aujourd’hui, puisque les DMP ne sont pas nombreux, les infirmières libérales comme les autres soignants rechignent à le remplir pour ne pas « perdre de temps », le rendant aussitôt moins attrayant et utile aux yeux des patients. Le ministère de la Santé entend bien inverser ce phénomène en faisant de cette généralisation un axe fort pour la mise en œuvre des ambitions pour faire évoluer le système de santé publique.

Et pour que les patients s’approprient pleinement le DMP, ce dernier sera plus ouvert, mais aussi lié à deux autres composants de »Mon Espace Santé « : l’agenda et la messagerie sécurisée de santé. Là encore, c’est une véritable rupture, puisque les assurés pourront entrer en contact avec leurs praticiens en toute sécurité.

« Mon espace Santé », quels changements à venir pour les infirmières libérales ?

 

Pour les soignants, et donc pour les infirmières libérales, la création de « Mon Espace Santé » n’est pas sans conséquences. Les IDEL(s) ont bien entendu le message des autorités publiques et savent pertinemment, qu’il leur faut s’approprier ce nouvel outil. Pour que les patients recourent à son utilisation, les infirmiers libéraux devront remplir le DMP de leurs patients mais aussi renseigner les rendez-vous pour que l’agenda médical soit à jour et réellement utile. C’est donc un effort conséquent, qui va leur être demandé pour alimenter en partie cet espace. Un effort, qui intervient après la demande qui leur était faite jusqu’à présent de créer les DMP, en contrepartie d’une incitation financière. Cela peut apparaitre comme contradictoire. On incitait jusqu’à présent les professionnels de santé à créer ces DMP, qui, dans quelques mois, seront créés automatiquement.

Quant à la messagerie sécurisée de santé, les infirmières libérales sont déjà habituées à recourir à celle-ci pour échanger avec leurs confrères ou consœurs ou avec d’autres professionnels de santé. On recense ainsi aujourd’hui plus de 440.000 messageries de ce type en France pour 7 millions de mails par mois (là-encore, la crise du COVID a accéléré le recours à ces messageries avec une augmentation du nombre de mails de 210 % en un an). Mais ouvrir l’utilisation de ces messageries de santé représentera-t-il un atout au quotidien pour les infirmières libérales ou une tâche supplémentaire à honorer ?

C’est toute la stratégie des autorités publiques, qui peut poser question. Ambitionner un système transparent, sûr et collaboratif pour la santé de tous reste d’intérêt général, mais est-ce de nature à réellement fluidifier et simplifier le quotidien des IDEL(s) ? Seul l’usage permettra de répondre à cette interrogation et il faudra donc attendre les premiers mois de 2022 pour pouvoir apporter une réponse justifiée.

Et vous, que pensez-vous de cette stratégie française du numérique en santé ? Estimez-vous que « Mon Espace Santé » sera un succès populaire auprès des patients ou craignez-vous que ces derniers s’en méfient et s’en détournent ? Et dans votre quotidien, estimez-vous que « mon Espace Santé » vous simplifie la tâche ?